Principaux éléments-clés à retenir
En premier lieu, sont qualifiés les impacts sur les territoires des transitions économiques à l’oeuvre depuis une cinquantaine d’années (1968-2018) :
- à l’échelle de l’Union européenne (UE), la France est le deuxième pays avec le plus de richesses (17,4 % de la richesse de l’UE en 2019, en Produit intérieur brut), derrière l’Allemagne ; mais le poids économique de la France a diminué de 1,9 point de % depuis 1995, en partie suite à l’élargissement de l’UE. Les richesses européennes n’ont cessé de croître depuis 1995 et les plus grandes puissances économiques (Allemagne, France, Royaume-Uni) se maintiennent dans la moyenne européenne. Au niveau infranational, les territoires qui disposent d’un PIB par habitant supérieur à la moyenne européenne sont des départements abritant des métropoles régionales (mais aussi la Savoie et les Alpes-Maritimes pour la France), là où se concentrent les augmentations de la population et surtout des emplois ;
- depuis 1968, le nombre des 25-54 ans en emploi a augmenté (plus de 19,3 millions en 2018, soit près de 60 % d’emplois supplémentaires). Le marché de l’emploi est touché par des modifications structurelles, caractérisées par une tertiairisation des activités (près de 8 emplois sur 10 en 2018), une perte de plus de 75 % des emplois agricoles et une part des emplois industriels qui est passée de 29,2 % à 12,4 % en 50 ans, alors que le nombre d’emplois est stable dans le secteur de la construction. Les emplois tous secteurs confondus s’agglomèrent de manière croissante au fil du temps, mais de manière plus mesurée depuis 1990 ;
- entre 1968 et 2018, la France a connu une croissance similaire de sa population et de sa population active occupée. Toutefois, la concentration croissante des emplois s’opère dans les grandes villes, avec une croissance des emplois dans les pôles et des travailleurs résidant de plus en plus dans les couronnes, notamment dans les métropoles régionales (Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Strasbourg), en région Rhône-Alpes et aux pourtours méditerranéens et atlantiques ;
- en presque 50 ans, 91 % des zones d’emploi ont vu leur nombre total d’emplois augmenter, mais deux fois moins de zones d’emploi ont vu leur nombre d’emplois industriels augmenter. Le poids des emplois industriels a été plus que divisé par deux, avec des disparités fortes entre régions : perte d’emplois industriels dans l’Est et le Nord, et concentration des créations d’emplois industriels et de l’emploi total dans l’Ouest. La perte d’emplois industriels est plus importante dans les grandes villes, en particulier dans les centres (la décroissance dans les pôles étant rarement compensée par les créations dans les couronnes) et la diminution des emplois industriels s’est généralisée dans tous les territoires depuis 1999.
La deuxième partie du cahier dresse l’état des dynamiques économiques qui perdurent dans nos territoires au cours des 10 dernières années (2008-2018) :
- entre 2008 et 2018, l’emploi a augmenté de 1,74 %, la croissance étant plus élevée depuis 2013. Cependant, les trajectoires économiques sont de plus en plus contrastées dans les territoires, avec une concentration accentuée des zones d’emploi bénéficiant d’une augmentation du nombre d’emplois (façades atlantiques et méditerranéennes principalement) et davantage de zones d’emploi rencontrant une diminution du nombre d’emplois. La situation en outre-mer reste contrastée (croissance continue en Guyane et à la Réunion, basculement défavorable en Guadeloupe et diversité des trajectoires en Martinique). La croissance locale dépend à la fois des transformations sectorielles qui expliquent une partie des écarts entre territoires, mais l’effet local joue un rôle déterminant (proximité d’une métropole, dynamisme démographique, avantages naturels et autres aménités…) ;
- l’analyse des spécificités locales permet d’identifier des fragilités ou des potentialités de développement, notamment au travers de liens de proximité entre activités, mais aussi selon l’intensité technologique des industries. Plus les activités industrielles sont intenses en technologies, plus elles se concentrent dans peu de territoires, et à mesure que le niveau technologique baisse, le poids des emplois diminue ;
- concernant la mobilité des actifs frontaliers, le nombre de personnes résidant en France métropolitaine et travaillant dans un pays limitrophe a été multiplié par 10 en 50 ans (plus de 438 000 actifs occupés en 2018). Il existe toutefois une très grande hétérogénéité selon les pays : la Suisse et le Luxembourg accueillant près de deux travailleurs frontaliers français sur trois. L’Allemagne est par ailleurs le seul pays qui connaisse une diminution des travailleurs frontaliers français. Les travailleurs frontaliers choisissent de résider dans des communes à fort niveau de centralité de manière à disposer d’une offre diversifiée de services et d’équipements. La progression de travailleurs étrangers suisses et allemands qui décident de résider en France est également à souligner, avec des impacts sur la tension du marché du logement et sur le coût du foncier dans nos territoires. Les enjeux se posent aussi en matière de réseaux de transport et de mobilité. Dans le cadre de la pandémie de la Covid 19, le télétravail des travailleurs frontaliers a été multiplié par 5 (concernant 28 % d’entre eux), et les jours télétravaillés par 20. Cela est peut-être annonciateur de transformations profondes des pratiques professionnelles des travailleurs frontaliers et, in fine, du choix du lieu de résidence.
La troisième partie aborde les perspectives pour les territoires (horizons 2050) :
- la présence de foncier économique constitue un enjeu important pour les territoires que ce soient en termes d’accueil d’activités mais aussi d’emplois. Une analyse à l’échelle intercommunale montre une déconnexion entre rythme d’évolution de l’emploi et rythme d’évolution du foncier économique dans un territoire sur deux. Cette situation peut résulter en partie de la relative inertie des bases de cotisation foncière des entreprises. Toutefois, la typologie proposée montre des disparités territoriales assez fortes avec des profils socio-économiques différenciés et des capacités de développement très contrastées, où l’offre foncière intercommunale n’a pas la même influence. Les intercommunalités ont en effet un rôle à jouer dans les écosystèmes industriels et les politiques publiques locales d’accompagnement des dynamiques économiques constituent un véritable levier ;
- la capacité des territoires à échanger avec l’étranger constitue également un des facteurs de croissance et l’on observe là aussi des dynamiques contrastées dans les flux commerciaux internationaux à l’échelle des départements. Les départements les plus exportateurs sont également les plus importateurs et se caractérisent par la présence d’une métropole à proximité d’un port maritime ou fluvial, d’un aéroport international, ou à proximité d’une frontière. Sur la période 2004-2021, l’ensemble des flux commerciaux a augmenté. En 2021, les échanges avec les membres de l’UE représentent 53,9 % des exportations et 54,7 % des importations, contre 8,6 % et 11,7 % avec les autres partenaires européens, et 37,5 % et 33,6 % pour les autres pays du monde ;
- dans un contexte de mondialisation accrue, il est important de proposer aux collectivités territoriales des outils pour fixer des priorités d’actions afin de rendre leurs territoires plus attractifs vis-à-vis des cibles internationales, tout en préservant l’environnement et en améliorant l’inclusion sociale. L’outil de diagnostic proposé par l’OCDE s’articule autour de quatre familles de connexions internationales - affaires, humaines, connaissances et infrastructures – caractérisant le degré d’insertion d’une région dans la mondialisation ;
- la question des nouvelles formes de travail est également posée, avec le développement du télétravail suite au premier confinement. Pendant la première période de confinement, 57 % des cadres ont exclusivement fait du télétravail (moins de 30 % pour les autres catégories). Les territoires plus enclin au télétravail, en lien avec des activités « plus télétravaillables », se situent majoritairement autour dans les centres des agglomérations (surtout les métropoles) et en Île-de-France. À taille d’agglomération donnée, les télétravailleurs réguliers seraient toujours plus nombreux à vivre et travailler dans les centres des agglomérations que dans leur couronne. À ce titre, il est intéressant d’observer le développement des tiers-lieux, dont le nombre s’élève à plus de 2 500 en 2021 (dont la moitié dans les métropoles) et en croissance de 20 % par an. Les tiers-lieux constituent une réelle alternative au travail à domicile ;
- travailler sur les enjeux de la transition économique dans les territoires nécessite de s’intéresser aux projections de population active à l’horizon 2050. La concentration des actifs se poursuivrait. De plus en plus de départements (un sur deux) verraient leur nombre d’actifs diminuer alors que la progression entre 2013 et 2050 est estimée à près de 1,5 million d’actifs supplémentaires. À cela, s’ajouterait un vieillissement des actifs plus marqué dans le Sud de la France, qui entraînerait un contraste plus important avec les régions de la moitié Nord.