Entre 1851 et 1968, la part des personnes âgées de 60 ans ou plus a doublé en France
Au cours du XIXe siècle et du XXe siècle, la population française voit sa part de personnes âgées augmenter progressivement. Ainsi, alors qu’au milieu du XIXe siècle, la part des 60 ans ou plus s’établissait à 8,5 %, elle passe à 12,4 % en 1911 et atteint 17,9 % en 1968. Cette hausse de la part des personnes âgées est appelée « vieillissement »1. Elle découle de deux mécanismes :
- Le vieillissement par le bas : il se caractérise par une augmentation insuffisante de la population jeune, du fait de la baisse de la natalité, et a pour conséquence un accroissement de la part des personnes âgées. En France, le vieillissement par le bas explique pour une bonne part le vieillissement de la population qui s’opère au cours du XIXe siècle jusqu’en 1946, date à partir de laquelle le nombre des naissances augmente à nouveau (baby-boom)2.
- Le vieillissement par le haut : celui-ci désigne l’augmentation des personnes âgées suscitée par la baisse de la mortalité, ainsi que par l’allongement de l’espérance de vie à la naissance, qui passe entre 1806 et 1968de 32,8 ans à 67,8 ans pour les hommes et de 34,9 ans à 75,2 ans pour les femmes3. Ce sont notamment les progrès réalisés dans le secteur médical, l’amélioration de l’hygiène (révolution pastorienne), le développement économique, l’augmentation des rendements agricoles, la diversification de l’alimentation et les changements socio-culturels qui expliquent ce mécanisme de vieillissement4.
La géographie du vieillissement de la population : d’un phénomène localisé à un phénomène généralisé
Au milieu du XIXe siècle, les départements dont la part des personnes âgées est la plus élevée se situent majoritairement dans la partie nord de la France. Trois ensembles se distinguent plus particulièrement par leur forte part de personnes âgées : un espace qui s’étend de la Normandie (avec notamment le Calvados, l’Eure et l’Orne) à l’ouest du Bassin parisien (Oise, Seine-et-Oise et Eure-et-Loir), une partie du Sud-Ouest (le Lot, le Lot-et-Garonne, le Tarn-et-Garonne et le Gers) et certains départements de l’Est de la France (l’Aube, la Meuse, la Haute-Marne et la Côte-d’Or). Le département qui compte la plus forte part de personnes de 60 ans ou plus est le Calvados (12,6 %), car la Normandie est l’un des premiers territoires français au sein duquel la part de la population âgée s’est accrue, du fait d’une baisse de la natalité plus précoce qu’ailleurs, qui a débuté dès le XVIIIe siècle. Concernant les départements avec les plus fortes parts de jeunes, ils se trouvent principalement en Bretagne, en Corse, dans la partie centrale de la France, dans les départements les plus septentrionaux et en Alsace.
À la veille de la Première Guerre mondiale, le vieillissement de la population concerne davantage de départements, et s’étend notamment vers le centre de la France. Alors qu’en 1851, seuls 15 départements avaient une part de population âgée de 60 ans ou plus supérieure à 10 %, ils sont 80 en 1911. Le département dont la part de personnes âgées est la plus importante est désormais l’Yonne (19,1 %). Les jeunes représentent une part plus élevée dans les départements les plus attractifs fortement urbanisés ou bénéficiant d’un essor industriel comme le Nord, le Pas-de-Calais et l’Alsace-Moselle5. Leur proportion est également élevée dans les départements où le solde naturel est positif (une partie des départements de la Bretagne et le département de la Corse par exemple).
En 1968, aucun département n’échappe au phénomène de vieillissement : la totalité d’entre eux a une part de personnes âgées supérieure à 10 % et le département le plus âgé (la Creuse) voit cette part atteindre 28,7 %. En comparaison avec le reste des départements français, on observe une atténuation du vieillissement dans les départements du nord de la France, qui s’explique par une présence plus importante des jeunes. Cette évolution résulte de la hausse générale des naissances en France (baby-boom) qui survient après la Seconde Guerre mondiale, dont les effets sont plus marqués dans les départements du nord. Entre 1851 et 1968, deux facteurs expliquent en grande partie les écarts qui se creusent entre les départements : la natalité et les mouvements migratoires. Une forte natalité et l’arrivée de jeunes permettent de réduire le vieillissement. À l’inverse, une faible natalité et le départ de jeunes contribuent fortement au vieillissement de la population d’un territoire6.
1. Cf. article « Du vieillissement à la gérontocroissance : deux phénomènes distincts qui touchent inégalement les territoires ».
2. Vallin Jacques. II. Les ressorts de l’évolution. In : La population française. Paris: La Découverte. 2001, pp. 34-59. (Repères).
3. Les données de la conjoncture démographique de la France, Institut national d’études démographiques (Ined).
4. De Luca Barrusse Virginie. Premier chapitre – L’évolution de la population française. In : Démographie sociale de la France (XIXe-XXIe siècle). Paris : Presses Universitaires de France, 2010, pp. 15-59.53. Segalen Martine. XII – Les changements familiaux depuis le début du XXe siècle. In : Dupâquier Jacques. Histoire de la population française (4) de 1914 à nos jours. Paris : Presses Universitaires de France, 1988, pp. 499-540.
5 . Bourdelais Patrice. Le vieillissement de la population française (1789 – 1989). In : L’Histoire [en ligne]. Décembre 1989, n° 128. Disponible sur : https://www.lhistoire.fr/le-vieillissement-de-la-population-fran%C3%A7aise-1789-1989 (consulté le 3 novembre 2021).
6. Bourdelais Patrice, Garden Maurice, Bideau Alain. V – Structures. In : Dupâquier Jacques, Garden Maurice. Histoire de la population française (3) : De 1789 à 1914. Paris : Presses Universitaires de France, pp. 229-286.