AVANT-PROPOS
D’après l’Insee, 7,3 millions de personnes ont changé de logement en France en 2014, soit 11 % de la population : c’est un peu plus que la moyenne européenne (9 %). La majorité d’entre elles ont déménagé dans un périmètre proche : près des trois quarts des mobilités résidentielles ont conduit les individus à rester dans le même département, dont la moitié d’entre eux au sein de la même commune (soit respectivement 8 et 4 % de l’ensemble de la population). Seuls un peu plus du quart des individus qui ont déménagé ont changé de département (3 % de l’ensemble de la population), et 18 % de région ou de pays (respectivement 2 et 0,4 % de l’ensemble de la population). En somme, la mobilité résidentielle concerne chaque année une petite minorité de la population et est avant tout une affaire de proximité.
Des mobilités résidentielles qui transforment « à bas bruit » les territoires français
Les mobilités résidentielles n’en ont pas moins des impacts importants : avec les ans, les mouvements résidentiels transforment la France et bouleversent les équilibres territoriaux. Ainsi, seul un Français sur deux (52 %) habite aujourd’hui dans le département où il est né, contre 61 % il y a cinquante ans. Au jeu des mobilités résidentielles, la Nouvelle Aquitaine gagne aujourd’hui 4 fois plus d’habitants par an qu’en 1968, les Pays de la Loire et la Bretagne 3 fois plus, et l’Occitanie 2 fois plus ; à l’inverse, l’Île-de-France a perdu 1,2 million d’habitants au cours de cette période, les Hauts-de-France 900 000 et le Grand Est 500 000. À l’échelle locale aussi, les mobilités ont modifié les dynamiques territoriales : les espaces ruraux, qui perdaient le plus de population il y a cinquante ans sous l’effet de mobilités résidentielles massivement dirigées vers les grandes villes, sont aujourd’hui en passe de devenir ceux qui ont la balance migratoire la plus positive.
Certes, les mobilités résidentielles ne sont pas le seul ressort des tendances démographiques locales : les évolutions naturelles de la population (naissances, décès), très contrastées selon les espaces, y contribuent aussi. Mais le premier facteur apparaît comme bien plus déterminant que le second dans l’explication de l’hétérogénéité des dynamiques démographiques des territoires. De surcroît, la carte des soldes naturels est restée relativement stable au cours du demi-siècle dernier, quand la géographie migratoire a, elle, été profondément transformée. Ce sont donc les évolutions migratoires qui expliquent une bonne part des trajectoires récentes des territoires. L’attractivité résidentielle est d’ailleurs devenue au fil des ans une préoccupation grandissante des collectivités territoriales : il est alors d’autant plus nécessaire de montrer, à une échelle nationale, le cadre et les effets des mobilités résidentielles.
Aussi, ce rapport dessine les contours de la nouvelle France que font naître les mobilités résidentielles. Or, c’est avant tout une France segmentée qui apparaît. Les disparités de dynamisme migratoire se creusent entre les régions attractives et les autres. À l’échelle locale, la séparation spatiale entre les différents groupes sociaux s’accroît sous l’effet de la forte différenciation des mobilités résidentielles selon le profil des individus. La compréhension des dynamiques migratoires et de leurs effets spatiaux est donc au cœur des enjeux de cohésion territoriale mais aussi sociale.
De la nécessité de dépasser l’opposition entre « aménager » et « déménager »
En pointant les enjeux de la mobilité résidentielle en matière de cohésion, les éléments présentés dans ce rapport doivent également permettre de dépasser le débat, ancien, entre :
· les partisans d’une action publique devant encourager le déménagement des individus – en levant les « freins » à la mobilité – pour leur permettre d’accéder à des opportunités d’emploi et, plus largement, à un ensemble de ressources inégalement réparties sur le territoire (formation, services, etc.) ;
· les tenants d’une politique d’aménagement qui vise à mettre tous les territoires en capacité d’offrir à leurs habitants ces mêmes ressources, de sorte que la mobilité résidentielle soit bien un choix, et non une contrainte.
1. Insee, RP 2014 (qui porte sur les enquêtes de 2012 à 2016 : voir encadré Méthodologie dans le chapitre 1).