Le rôle moteur de la France dans la dynamique démographique européenne tend à ralentir ces dernières années
Au 1er janvier 2020, les 27 pays de l’Union européenne (UE) comptent un peu plus de 447 millions d’habitants. Avec 67,3 millions d’habitants (15,0 % de la population de l’UE), la France conserve la seconde place qu’elle occupe depuis le début des années 2000 dans le palmarès des pays les plus peuplés de l’UE, après l’Allemagne.
L’Allemagne, dont la population ne cessait de diminuer depuis le début des années 2000, voit à nouveau sa population augmenter depuis 2011. Cette inversion de tendance, uniquement liée aux phénomènes migratoires, permet à ce pays d’être aujourd’hui le principal contributeur à la croissance démographique européenne (+ 393 800 habitants supplémentaires en moyenne chaque année entre 2015 et 2020), devant l’Espagne et la France.
Le rôle moteur de la France dans la dynamique démographique de l’UE est ancien, bien qu’il tende à diminuer en intensité ces dernières années. Entre 2015 et 2020, l’UE a gagné près de 3,7 millions d’habitants (soit + 0,16 % par an), dont + 864 000 en France, alors qu’entre 2010 et 2015, sur les 2,9 millions d’habitants (+ 0,13 % par an) supplémentaires en UE, 1,8 million résidaient en France.
Dans une conception plus large de l’Europe1 et exception faite du Royaume-Uni, les pays les plus peuplés ne sont pas les plus dynamiques démographiquement. Par ailleurs, les pays d’Europe septentrionale (Irlande, Royaume-Uni, Suède) et plus largement de l’Association européenne de libre-échange – AELE (Norvège, Suisse, Liechtenstein, Islande) connaissent une croissance de leur population supérieure à + 0,7 % en moyenne chaque année. À l’inverse, les pays d’Europe orientale (Roumanie, Hongrie, Bulgarie, Pologne) et méridionale (Croatie, Grèce, Italie, Portugal) – hors Malte et Chypre, mais aussi les pays baltes (Lituanie, Lettonie) ont vu leur population diminuer au cours des cinq dernières années.
Les pays d’Europe occidentale comme l’Allemagne, la France, les Pays-Bas, le Danemark ou encore la Belgique ont une démographie dynamique, bien qu'affichant un rythme d'accroissement plus faible qu’en Europe du Nord.
L’exception des dynamiques naturelles françaises
Entre 2015 et 2020, la population de la France a augmenté en moyenne chaque année de 172 900 individus2. Pays au profil atypique, la France est en effet l’un des seuls pays dont la croissance est, depuis plusieurs années, portée quasi exclusivement par son solde naturel.
Cette tendance a longtemps été accompagnée d’apports migratoires participant à l’augmentation de sa population. On observe cependant qu’en moyenne, entre 2015 et 2020, le solde migratoire3 de la France reste très faiblement positif : forte du niveau de fécondité le plus élevé de l’Union européenne (UE)4, la croissance démographique française de ces toutes dernières années s’appuie presque exclusivement sur sa composante naturelle. Elle fait en cela figure d’exception dans l’UE.
Parmi les quatre pays de l’UE les plus peuplés (Allemagne, France, Italie et Espagne), aucun n’a bénéficié d’une croissance portée à la fois par ses soldes migratoire et naturel entre 2015 et 2020. L’Allemagne et l’Espagne ont connu une croissance reposant uniquement sur leur solde migratoire. Sur la même période, l’Italie voit sa population diminuer du fait d’un solde migratoire qui, bien que positif, ne parvient plus à compenser un déficit trop important de naissances au regard du nombre des décès.
Récemment sorti du périmètre de l’UE, le Royaume-Uni fait là aussi figure d’exception : figurant parmi les pays les plus peuplés du continent, sa démographie est particulièrement dynamique (+ 0,7 % d’accroissement annuel moyen entre 2015 et 2020), et repose à la fois sur des excédents naturel et migratoire (comptant respectivement pour un pour un tiers et deux tiers de l’accroissement total).
Des régions capitales en moyenne plus attractives que les autres régions
En Allemagne, le début des années 2000 est marqué par une diminution continue de l’excédent migratoire, jusqu’à devenir négatif. La tendance s’inverse à partir de 2010 avec un pic en 2015. Aujourd’hui, ce sont l’ensemble des régions allemandes qui se montrent attractives.
Dans d’autres pays, des dynamiques migratoires infranationales très contrastées se dessinent.
En Italie par exemple, les régions du Nord sont plus attractives que celles du Sud sur la période 2015-2020. En France aussi, on observe un déséquilibre d’attractivité entre régions : les territoires des littoraux atlantique et méditerranéen, de même que les territoires frontaliers de l’Est jusqu’en Alsace affichent un solde migratoire positif ; à l’inverse, les régions situées dans la moitié nord du pays perdent plus d’habitants qu’elles n’en gagnent au gré des échanges migratoires.
Si des logiques spatiales Nord-Sud s’observent dans certains pays, on observe également des logiques métropolitaines, avec des régions capitales plus attractives que les autres. C’est le cas autant dans des pays d’Europe de l’Ouest et du Sud (Belgique, Pays-Bas, Portugal, Espagne) qu’en Europe du Nord (Finlande, Norvège, Irlande). Dans certains pays d’Europe orientale, il est fréquent que les régions capitales figurent parmi les quelques rares régions attractives du pays ; c’est le cas de la Pologne, de la Slovaquie ou encore de la Tchéquie. En Roumanie, seule la région capitale voit davantage de personnes s’installer sur son territoire que le quitter.
La France5, la Suisse, la Grèce et la Croatie sont en revanche les seuls pays dont le taux d’accroissement dû au solde migratoire est en moyenne supérieur à l’échelle nationale qu’à celle de leur région capitale.
1. Sauf mention contraire, la suite de l’analyse porte sur les pays européens membres de l’Union européenne à 27 (UE), les 4 pays membres de l’AELE (Islande, Liechtenstein, Norvège, Suisse) ainsi que le Royaume-Uni (selon la disponibilité des données).
2. Rappelons que du fait d’un changement de questionnaire en 2018 permettant une meilleure prise en compte de la multi-résidence, l’Insee a introduit une valeur d’ajustement pour réajuster les évolutions de population entre les RP 2016 et 2023. Selon l’Insee, cet impact est faible et n’affecte pas les analyses géographiques et structurelles réalisées avec les données de recensement. En revanche, au niveau national, il rend nécessaire la prise en compte d’une troisième composante de variation d’« ajustement », en sus des soldes naturel et migratoire. Sans cet ajustement, le solde migratoire calculé comme différence entre l’évolution de population et le solde naturel, serait légèrement sous-estimé. Par le passé, un ajustement avait également été introduit entre 1990 et 2005. (Insee. Rénovation du questionnaire du recensement de la population sur les liens familiaux et les situations de multi-résidence. Impact sur les évolutions annuelles de population. Note technique [en ligne]. Janvier 2021.
Disponible sur : https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/2383177/fiche_methodo_effet_questionnaire.pdf (consulté le 23 novembre 2021), 13 p.).
3. Le solde migratoire est ici estimé par différence entre la variation totale et la variation naturelle de la population.
4. L’indicateur conjoncturel de fécondité de la France s’établit à 1,86 enfant par femme en 2019, contre 1,53 en moyenne dans l’UE.
5. L’accroissement démographique continu de l'Île-de-France depuis plusieurs décennies s’explique par ses dynamiques naturelles. Bien que la région francilienne attire un grand nombre de personnes chaque année, elle en voit encore plus quitter son territoire ; son solde migratoire est négatif depuis les années 1970.