Pour comprendre les spécificités démographiques territoriales françaises, il importe d’associer à la lecture de la répartition par âge de la population des différents types d’espaces, des indicateurs d’évolution. Ceux-ci permettent, par exemple, d’identifier les potentiels renforcements de concentration des populations jeunes ou âgées dans certains territoires, au gré des migrations internes, jouant un rôle clef dans la répartition spatiale de la population française.
Des espaces « vieillis » en dehors des plus grandes aires d’attraction des villes mais qui ne sont pas les plus vieillissants
En 2018, les espaces français les plus « vieillis » (classes 1, 2 et 3) se situent majoritairement dans les espaces ruraux hors des aires d’influence des grands pôles urbains, ainsi qu’en dehors de la plupart des territoires frontaliers du Nord et de l’Est. 6,4 millions de personnes âgées de 60 ans ou plus résident dans ces espaces1, et si leur nombre a augmenté entre 2008 et 2018, contrairement à toutes les autres catégories d’âge, cela se fait à un rythme moins élevé que dans le reste du territoire2.
Classe 1 : des territoires ruraux très peu denses et très « vieillis », où les déséquilibres d’âge sont les plus importants, mais où le nombre de personnes âgées augmente peu
Dans ces territoires, près de quatre habitants sur dix sont âgés de 60 ans ou plus en 2018, contre 25,9 % à l’échelle nationale. Avec 668 000 personnes âgées de 75 ans ou plus, ces 258 EPCI (soit 20,7 % des EPCI) comptent proportionnellement près de deux fois plus de personnes très âgées que dans les territoires où les populations les plus jeunes sont les mieux représentées (classes 4, 5 et 6). Ces espaces se caractérisent ainsi par leur fort vieillissement3 mais également par l’important déséquilibre de leur structure par âge. En effet, à l’inverse de la population âgée, la part de la population de moins de 45 ans y est la plus faible du territoire national soit 40,4 % de sa population totale, contre 54,2 % en moyenne en France. Par ailleurs, il s’agit de la seule classe de territoires pour laquelle l’indicateur de dépendance économique est supérieur à 100 en 2018 (110,5, contre 78,3 en moyenne en France), c’est-à-dire qu’il y a davantage de jeunes et seniors que de personnes en âge de travailler.
Sont ici concernées des intercommunalités situées dans le massif des Pyrénées et sur une diagonale centrale reliant la Haute-Marne au département du Gers. On retrouve également certains de ces EPCI sur les littoraux vendéen, charentais-maritime et girondin, ainsi que sur la Côte d’Azur. Il s’agit à plus de 90 % de territoires ruraux de faible et très faible densités4 (deux tiers des EPCI très peu denses recensés en France appartiennent à cette catégorie). Néanmoins, et au regard des autres types d’espaces, le nombre de personnes âgées de 60 ans ou plus y a moins fortement augmenté au cours de ces dix dernières années. En effet si les EPCI les plus au sud (Occitanie, massif des Pyrénées) ne sont pourtant pas les moins attractifs pour les populations retraitées5, cet excédent migratoire parvient à peine à compenser les faibles effectifs des générations plus jeunes, vieillissant sur place et arrivant aux âges les plus élevés.
Classe 2 : des pôles de taille moyenne « vieillis », dont le rythme d’accroissement de la population âgée commence à s’accélérer
Dans ces espaces, les logiques de vieillissement sont les mêmes que dans la classe 1, tout en étant moins marquées. Les effectifs de personnes âgées de 60 ans ou plus sont légèrement moins surreprésentés que dans la première classe, mais ils progressent un peu plus vite, notamment aux âges habituels de départ à la retraite. Les déséquilibres entre classes d’âge y sont également moins importants que dans les territoires ruraux de la classe 1, avec notamment des profils de jeunes ménages avec enfant(s) (moins de 15 ans, 30-44 ans) plus nombreux.
Répartis de façon relativement uniforme sur le territoire et particulièrement nombreux, ces 379 EPCI (soit 30,3 % des EPCI)6 sont bien représentés
en Bretagne, dans les anciennes régions Basse-Normandie et Champagne-Ardenne et le département des Vosges. On retrouve parmi ces territoires de nombreux EPCI dont les villes-centre sont associées à des pôles de taille moyenne7, et dont les couronnes sont principalement constituées d’espaces peu denses : Brivela-Gaillarde, Niort, Albi, Chalon-sur-Saône, Angoulême, Lisieux, Saint-Dizier, Epinal, Montbéliard…
Classe 3 : de forts enjeux de vieillissement à venir dans les Antilles, les territoires frontaliers de l’Italie et les Vosges alsaciennes
Dans cette troisième catégorie d’espaces, la population âgée de 60 ans ou plus est proportionnellement moins importante que dans les deux classes précédentes, mais son rythme d’accroissement est bien plus rapide (deux fois plus pour les 75 ans ou plus).
Dans ces espaces – très peu nombreux du fait de leurs spécificités (72 EPCI, soit 5,8 % des EPCI), près d’un quart de la population est âgée de 45 à 59 ans, soit près de cinq points de pourcentage de plus que la moyenne nationale. C’est aussi dans ces territoires que les populations les plus jeunes diminuent le plus fortement : par exemple, les effectifs de moins de 15 ans y ont diminué de -1,7 % en moyenne chaque année entre 2008 et 2018 et ceux des 30-44 ans de -2,5 %, contre respectivement + 0,2 % et -0,5 % en moyenne en France. L’arrivée aux âges de départ à la retraite de générations nombreuses et la diminution du nombre des plus jeunes laissent ainsi présager d’enjeux importants en matière de vieillissement pour l’avenir, tels que la prise en charge des plus âgés, mais également la gestion de déséquilibres entre populations active et retraitée.
Ces espaces de faible densité ou de densité intermédiaire sont majoritairement situés le long de la frontière franco-italienne (du Briançonnais jusqu’à la vallée de l’Ubaye), sur la partie alsacienne du massif des Vosges mais également dans la quasi-totalité des EPCI des départements de la Martinique et de la Guadeloupe8.
Des espaces plus jeunes dans le Nord, le long des frontières est du pays et au sein des grands pôles urbains et de leurs couronnes
En 2018, les populations âgées de moins de 45 ans sont sur représentées dans un nombre restreint d’espaces régionaux tels que les Hauts-de-France, l’Île-de-France, les Pays de la Loire, la plaine d’Alsace et les territoires frontaliers de la Suisse. Sont également concernés, certains territoires situés le long du littoral méditerranéen et au sein des grands pôles urbains et de leurs couronnes (Rouen, Rennes Nantes, Bordeaux, Toulouse, Lyon…).
23,7 millions de personnes ont moins de 30 ans en 2018 en France. Parmi elles, 75 % vivent dans ces espaces (classes 4, 5 et 6), qui ont pour autre spécificité d’être les territoires au sein desquels les populations les plus âgées augmentent le plus rapidement9.
Classe 4 : une surreprésentation des jeunes de 15 à 29 ans dans le Nord, le Bassin parisien, les Pays de la Loire et les grands pôles urbains
Certains espaces se caractérisent principalement par une surreprésentation de jeunes de 15 à 29 ans10. La concentration de cette catégorie d’âge y est particulièrement importante puisque, parmi les 11,7 millions de jeunes de 15 à 29 ans vivant en France en 2018, 64,4 % résident dans ces EPCI (313 EPCI, soit 25,1 % du total).
La concentration de la population caractérise globalement ces espaces, dans la mesure où s’ils occupent seulement 20,3 % de la superficie du pays, 57,4 % de la population française y résident.
Deux grands types de territoires sont ici concernés. D’une part, des espaces régionaux caractérisés par un âge de la mère à la naissance du premier enfant relativement faible et une fécondité très favorable situés dans le Nord du pays, le Bassin parisien, le périurbain lyonnais et une grande partie des Pays de la Loire et du Bassin rennais11. Ainsi, les ménages avec enfant(s) sont également fortement représentés (par exemple, 38,1 % de la population est âgée de moins de 15 ans ou de 30 à 44 ans contre 36,6 % en moyenne en France) et la progression des plus jeunes y est également particulièrement marquée (+ 0,4 % en moyenne chaque année, soit plus du double de la moyenne française).
D’autre part, parmi les espaces classés dans cette catégorie se trouvent les principaux pôles d’activité économique, concentrant les emplois et fortement urbanisés, attractifs à la fois pour les étudiants mais aussi pour les jeunes actifs12. 43 % des EPCI les plus denses13 appartiennent à cette classe, dont l’ensemble des métropoles (excepté Toulon) et de nombreuses grandes agglomérations urbaines comme Angers, Caen, Le Havre, Le Mans, Besançon, Poitiers ou encore Limoges.
Classe 5 et classe 6 : des espaces périurbains des grands pôles où les jeunes ménages avec enfant(s) sont surreprésentés, mais où la population âgée augmente très fortement
Classe 5
Les EPCI des classes 5 (163 EPCI, soit 13,1 % des EPCI) et 6 (64 EPCI, soit 5,1 % des EPCI) sont, du point de vue de leur structure par âge et de la dynamique de cette dernière, très similaires.
Dans ces deux classes, les ménages les plus susceptibles de compter des enfant(s) sont largement surreprésentés, avec une proportion moyenne de jeunes de moins de 15 ans de 20,3 % et une part de personnes âgées de 30 à 44 ans de 19,8 %, contre respectivement 18 % et 18,7 % pour les moyennes nationales. Cependant, si les populations les plus âgées sont fortement sous-représentées, notamment après 60 ans, c’est dans ces territoires que s’observe la plus forte croissance du nombre de personnes âgées, à un rythme deux fois plus soutenu que dans l’ensemble du pays14. Une partie de ces territoires se trouve en effet située dans les espaces périurbains de grands pôles (Dijon, Clermont-Ferrand, Poitiers, Perpignan ou encore Tours) et très grands pôles15 (Lyon, Montpellier, Strasbourg, Rouen, Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse mais aussi l’ouest du Bassin parisien), dont le développement a été particulièrement rapide dans les années 1970-1980. À l’origine peuplés de ménages avec enfant(s), ils comptent également beaucoup de retraités16. On retrouve aussi cette classe de territoires dans une partie des Drom (Réunion et Guyane), les zones frontalières de l’Est, comme en Alsace ou sur les frontières franco-suisses du Bassin genevois et du Chablais savoyard.
Classe 6
Les territoires de la classe 6 sont marqués par les mêmes spécificités de structure par âge et les mêmes dynamiques de vieillissement que la classe 5, tout en étant encore plus marquées.
Ces espaces sont quasi exclusivement situés en couronnes des très grandes aires d’attraction des villes et figurent parmi les plus dynamiques du pays. La population y croît de + 1,9 % chaque année, contre + 0,9 % pour la classe 5 et + 0,4 % en moyenne en France, à la fois du fait de leurs dynamiques naturelle et migratoire17. Il s’agit par ailleurs de la classe de territoires pour laquelle l’indicateur de dépendance économique est le plus faible (70,9, contre 79,3 pour la classe 5).
1. Les chiffres exposés dans cette partie et dans la suite de l’article sont issus des données de recensement de la population 2008 et 2018 de l’Insee.
2. + 1,9 % en moyenne chaque année dans les territoires des classes 1, 2 et 3, contre + 2,2 % pour la moyenne française.
3. Le terme de vieillissement fait ici référence à la proportion de la population âgée et non à l’évolution de cette proportion.
4. Source : Insee, Grille communale de densité 2021 (cf. annexe, p. 120).
5. Cf. article « Du vieillissement à la gérontocroissance : deux phénomènes distincts qui touchent inégalement les territoires », p. 100.
6. Au sein desquels vit 20 % de la population française.
7. Source : Insee, zonage en aires d’attractions des villes (AAV) 2020 (cf. annexe, p. 121).
8. Cf. article « À l’horizon 2050, l’accroissement de la population se concentrerait toujours plus le long des façades atlantique et méditerranéenne si les tendances actuelles se poursuivaient », p. 74.
9. Tout particulièrement dans les territoires des classes 5 et 6, où la population âgée de 60 ans ou plus a augmenté en moyenne chaque année de + 3,4 %, contre + 2,2 % en moyenne en France.
10. 19,7 % de la population y est âgée de 15 à 29 ans contre 17,5 % en moyenne en France et seulement 14,1 % dans les espaces les plus « vieillis » (classes 1, 2 et 3).
11. Observatoire des territoires. Géographie des ménages. In : Fiche d’analyse de l’Observatoire des territoires. CGET, 2019, 24 p.
12. Brutel Chantal. Jeunes et territoires. L’attractivité des villes étudiantes et des pôles d’activité. In : Insee Première. Janvier 2010, n° 1275, 4 p.
13. Espaces de plus forte densité et de densité intermédiaire.
14. Le nombre de personnes âgées de 60 à 74 ans croît en moyenne chaque année de + 4 % et celui des 75 ans ou plus, de + 2,6 %.
15. Source : Insee, zonage en aires d’attractions des villes (AAV) 2020 (cf. annexe p.121).
16. Observatoire des territoires. Géographie des ménages. In : Fiche d’analyse de l’Observatoire des territoires. CGET, 2019, 24 p.
17. Cf. article « Une concentration des espaces gagnants de la croissance dans les grands pôles urbains et leurs couronnes au cours de la dernière décennie », p. 60.