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La France limite son vieillissement au sein d'une Europe qui vieillit de plus en plus

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Un niveau de vieillissement plus élevé dans les pays d’Europe du Sud

Le vieillissement est un phénomène mondial qui touche tout particulièrement les pays ayant achevé leur transition démographique1.
C’est à ce titre que l’Europe est une des régions les plus concernées du monde2 avec un âge médian de 42,5 ans en 2020 contre seulement 30,9 ans au niveau mondial selon l’Organisation des nations unies (ONU)3. L’Europe4est passée de 17,5 % de personnes de 65 ans ou plus en 2010 à 20,1 % en 20195. Ce processus engage et met en exergue de nombreux enjeux aussi bien en matière économique (diminution du nombre d’actifs), sociale et médico-sociale (prise en charge des personnes âgées) mais aussi urbanistique (aménagement de l’environnement bâti, gestion des mobilités, localisation des équipements de la vie courante…).
Or, le vieillissement ne touche pas tous les pays européens de la même manière. Les pays d’Europe du Sud, tels que l’Italie (22,9 % de 65 ans ou plus), la Grèce (22,0 %) et le Portugal (21,8 %), auxquels s’ajoute l’Allemagne (21,5 %), ont une part très élevée de personnes âgées, principalement du fait d'une faible fécondité : l’indicateur conjoncturel de fécondité atteint 1,34 enfant par femme en Grèce et 1,27 enfant par femme en Italie en 2019. Au contraire, des pays comme l’Islande (14,2 % de 65 ans ou plus), l’Irlande (14,1 %) ou encore le Luxembourg6 (14,4 %) ont un niveau de vieillissement assez faible, du fait principalement d’une fécondité qui dépasse largement la moyenne européenne, avec un indicateur conjoncturel de fécondité de 1,74 enfant par femme en Islande et de 1,71 enfant par femme en Irlande.
La France, quant à elle, se trouve dans la moyenne européenne avec 20,0 % de personnes de 65 ans ou plus en 2019, mais se distingue par un indice de vieillissement particulièrement bas du fait d’une importante population de moins de 20 ans (24,2 % en 2019). Alors qu’en 1991 la France était le 18e pays le plus jeune d’Europe7 selon l’indice de vieillissement qui atteint 50,38 à cette date, elle se positionne en 2019 à la 8e place des pays les plus jeunes du continent avec un indice de vieillissement de 82,7, contre 99,3 pour la moyenne européenne.

Cette remontée dans le classement s’explique par le maintien de la fécondité en France qui a nettement moins diminué que dans les autres pays européens au cours des dernières années. C’est en effet aujourd’hui le pays européen ayant le plus fort indice conjoncturel de fécondité avec 1,86 enfant par femme, devançant même l’Irlande, longtemps en tête du classement. La France reste donc assez jeune par rapport aux autres pays européens.

De multiples bouleversements de la hiérarchie du vieillissement en Europe depuis les années 1980

La hiérarchie de vieillissement des pays européens a connu de nombreux bouleversements depuis les années 1980, les pays du Sud n’ayant pas toujours été les pays comptant la plus grande part de personnes âgées.
Dans les années 1980, ce sont les pays du Nord tels que la Norvège, la Suède, le Royaume-Uni, le Danemark, de même que l’Allemagne, qui connaissent le vieillissement le plus important.
C’est le fruit d’une augmentation de l’espérance de vie dans ces pays, liée à des progrès médicaux depuis les années 1970, en particulier dans la lutte contre les maladies cardio-vasculaires9. À cela s’ajoute une baisse de la fécondité, qui s’est opérée plus tôt dans les pays du Nord mais qui s’est stabilisée à un plus haut niveau que dans les autres pays grâce aux effets induits par la mise en place de politiques familiales dans ces pays10.
Par exemple, dans les pays nordiques, les congés parentaux sont plus importants que dans les autres pays (53 semaines en équivalent temps plein au salaire moyen, contre 27 en moyenne pour les pays membres de l’OCDE11) ; de plus, les investissements dans les services de garde et l’éducation des enfants de moins de 6 ans y sont plus élevés12.

Dans les années 1990, on remarque que la tendance commence à changer puisque le vieillissement touche toute une partie centrale de l’Europe, partant de la Norvège jusqu’à l’Italie en passant par la Suisse et l’Autriche.
En 2019, ce sont des pays d’Europe du Sud, tels que le Portugal, la Grèce et l’Italie qui comptent la plus forte proportion de personnes âgées.
Ces pays, qui avaient une fécondité comparativement plus élevée jusqu’au début des années 1980 (plus de 2 enfants par femme13), ont vieilli plus tard que les autres, car ils ont connu une chute de leur fécondité plus tardive qu’en Europe du Nord. Leur vieillissement a été particulièrement rapide. Ainsi, les indices de vieillissement du Portugal, de la Grèce et de l’Italie ont plus que doublé entre 1991 et 2019. Au contraire, les pays du Nord qui avaient un indice de vieillissement déjà élevé en 1991 (Luxembourg, Norvège, Suède) ont très peu vieilli depuis. Par exemple, l’indice de vieillissement du Luxembourg est passé de 58 en 1991 à 67 en 2019.

Mais de nouvelles mutations pourraient bien survenir. Jusqu’alors peu concernés par ce phénomène, c’est dans les pays d’Europe centrale et orientale que le vieillissement a été le plus rapide durant cette dernière décennie, en particulier en Tchéquie (+ 4,3 points de % pour la part des 65 ans ou plus entre 2010 et 2019), en Pologne (+ 4,1 points de %) et en Slovaquie (+ 3,6 points de %). Pendant de nombreuses années, les pays d’Europe centrale et orientale avaient une espérance de vie beaucoup plus faible que les autres ; ces derniers n’ayant pas bénéficié des avancées en espérance de vie des années 1970 et 1980 expérimentées en Europe de l’Ouest. Il faut attendre les années 1990 pour que de légères améliorations se ressentent et 2005, pour qu’une convergence vers l’espérance de vie des pays de l’Ouest s’opère. À cet allongement de l’espérance de vie s’ajoute une chute de la natalité qui était encore élevée au début des années 1990 et qui atteint désormais les niveaux des pays d’Europe du Sud.
Par exemple, la Pologne est passée de 2,06 enfants par femme en 1990 à seulement 1,44 en 2019. Le vieillissement des pays d’Europe centrale et orientale pourrait donc bien encore plus s’accélérer dans les prochaines années, accentué par le déficit migratoire qui s’observe dans certains d'entre eux (en particulier depuis leur intégration dans l’Union européenne).

1. Cf. article « Le recul du poids démographique de la France en Europe », p. 14.
2. Les pays d’Europe occidentale ont été parmi les premiers à entamer leur transition démographique, qui s’est, au fil des décennies, diffusée dans l’ensemble des pays européens. Le vieillissement est un processus mécanique qui découle de la transition démographique (Chesnais Jean-Claude, La transition démographique : étapes, formes, implications économiques, Paris, INED/PUF, Travaux et documents, 1986, 580 p.).
3. Source : United Nations, Department of Economic and Social Affairs, Population Division (2019). World Population Prospects 2019, custom data acquired via website: https://population.un.org/wpp/DataQuery/.
4. Sauf mention contraire et en fonction des données disponibles, la suite de l’analyse porte sur les pays européens membres de l’Union européenne (UE) à 27, les quatre pays membres de l’Association européenne de libre-échange AELE (Norvège, Islande, Suisse, Liechtenstein), ainsi que le Royaume-Uni.
5. Les chiffres exposés ici et dans la suite de l’article sont issus d’Eurostat.
6. Le Luxembourg bénéficie par ailleurs d’une immigration importante d’actifs, notamment français, portugais et italiens.
7. Définition de l’UE à 27, sauf Croatie (absence de données) et quatre pays de l’AELE.
8. Soit en moyenne 50,3 personnes âgées de 65 ans ou plus pour 100 jeunes de moins de 20 ans.

9. En Allemagne par exemple, l’espérance de vie à la naissance est passée de 70,7 ans en 1970 à 73,1 ans en 1980 et 75,4 ans en 1990.
10. Observatoire des territoires. Le vieillissement de la population. In : Fiche d’analyse de l’Observatoire des territoires. CGET, 2017, 17 p.
11. Thévenon Olivier, Les politiques familiales des pays développés : des modèles contrastés, In : Population et sociétés. Septembre 2008, n° 448, 4 p.
12. Idem.
13. À l’exception de l’Italie.

  • Chesnais Jean-Claude, La transition démographique : étapes, formes, implications économiques, Paris, INED/PUF, Travaux et documents, 1986, 580 p.
  • United Nations, Department of Economic and Social Affairs, Population Division (2019). World Population Prospects 2019, custom data acquired via website: https://population.un.org/wpp/DataQuery/.
  • Observatoire des territoires. Le vieillissement de la population. In : Fiche d’analyse de l’Observatoire des territoires. CGET, 2017, 17 p.
  • Thévenon Olivier, Les politiques familiales des pays développés : des modèles contrastés, In : Population et sociétés. Septembre 2008, n° 448, 4 p.

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