Un effectif et une proportion de personnes âgées toujours plus importants en France depuis cinquante ans
Près de 13,2 millions de personnes de 65 ans ou plus vivent en France en 20181, soit 19,8 % de la population. Le nombre et la part de personnes âgées sont en constante augmentation depuis 1968 ; augmentation dont le rythme s’est accéléré à la fin des années 2000.
Le taux d’évolution annuel moyen des 65 ans ou plus n’a cessé de s’accroître depuis 1968, avant de connaître une légère et temporaire diminution au début des années 2000 (arrivée à ces âges des générations nées pendant la Seconde Guerre mondiale, moins nombreuses). Pendant la période 2008-2018, le taux d’évolution annuel moyen des 65 ans ou plus est en effet inédit et dépasse pour la première fois le seuil des + 2 % par an. Ce phénomène s’explique principalement par l’arrivée aux âges de la retraite des générations issues du baby-boom, conjuguée à l’augmentation de l’espérance de vie à la naissance des Français qui est passée, entre 1968 et 2020, de 67,8 ans à 79,1 ans pour les hommes et de 75,2 ans à 85,3 ans pour les femmes, malgré un récent ralentissement2.
Cet accroissement de l’espérance de vie a été rendu possible grâce aux progrès médicaux, notamment en matière de lutte contre les maladies cardio-vasculaires dans les années 19703. La proportion de personnes âgées connaît la même trajectoire, avec une progression constante jusqu’à la fin des années 2000, et enfin une croissance accélérée au cours de la dernière décennie 2010-2020.
Un vieillissement plus marqué dans les espaces littoraux et ruraux, et dans le quart sud-ouest de l’Hexagone
Le vieillissement ne touche pas tous les territoires de la même manière et dans les mêmes proportions. En 2018, la part de personnes âgées est tout particulièrement élevée dans les territoires situés dans le quart sud-ouest de la France, le long de l’axe cotentin-mâconnais mais aussi sur les littoraux atlantique, méditerranéen et corse. Ainsi, ce sont les régions du sud de la France qui ont la plus grande proportion de personnes âgées (23,3 % en Corse, 23,7 % en Nouvelle-Aquitaine et 22,8 % en Provence-Alpes-Côte d’Azur). Certains massifs de montagne ont également un niveau de vieillissement particulièrement élevé comme les Pyrénées (28,7 %) ou le Massif central (25,0 %). À l’inverse, les espaces des pôles des grandes aires d’attraction des villes4 telles que Toulouse, Bordeaux, Paris, Orléans, Nantes, Rennes, Lille, Strasbourg, Metz, Reims, Poitiers ou encore Dijon, ont une proportion de personnes âgées parmi les plus faibles. Par exemple, l’Île-de-France compte seulement 14,8 % de personnes âgées et l’aire d’attraction de Paris 15,0 %. Le nord du pays, ainsi que certains Drom se distinguent également assez nettement avec un faible niveau de vieillissement (18,8 % en Guadeloupe, 17,8 % dans les Hauts-de-France, 11,7 % à La Réunion et seulement 5,5 % en Guyane), notamment en raison d’une natalité élevée dans ces régions et d'une émigration régulière des jeunes adultes.
La proportion de personnes âgées de 65 ans ou plus est en revanche plus élevée en Martinique (20,5 %) qu’à l’échelle nationale. Le niveau de vieillissement pourrait de surcroît continuer à y augmenter rapidement dans les années à venir, en partie du fait d’une forte chute de leur fécondité5, accentuant d’autant plus la déprise démographique d’ores et déjà observée aujourd’hui6.
Ces disparités régionales reflètent également des différences entre espaces urbains et ruraux. En effet, le poids des personnes âgées dans les territoires est inversement proportionnel à leur niveau de densité : si les espaces denses comptent seulement 16,8 % de personnes âgées, les espaces de densité intermédiaire7 en comptent 21,3 %, les espaces peu denses 21,6 %, et les espaces très peu denses 24,4 %.
Vieillissement et gérontocroissance : deux phénomènes aux logiques spatiales différenciées
L’analyse qui suit s’appuie sur un zonage constant en aires d’attraction des villes7. Celui-ci a remplacé le zonage en aires urbaines (Insee, 2010), impliquant un changement de définition dans la nature des espaces au cours du temps. Une réflexion à périmètre constant induit une analyse particulière8 où il faut considérer, par exemple, qu’une diminution de la gérontocroissance observée dans les cinquante dernières années dans les pôles des petites aires d’attraction des villes, qualifie en réalité l’évolution de ce phénomène, non pas des pôles des petites aires d’attraction, mais bien des communes appartenant aujourd’hui à des pôles de petites aires.
De plus, pour s’affranchir des évolutions de périmètre, des cartes lissées9 ont été réalisées et permettent d’identifier des logiques régionales, bien qu’elles impliquent une lecture moins fine des phénomènes pôles-couronnes, car statistiquement moins exploitables.
À l’échelle régionale, si la gérontocroissance se concentrait dans les années 1970 le long de la Méditerranée et dans l’ouest de la France (touchant plus fortement la Bretagne et la Normandie), elle s’est étendue le long de la vallée du Rhône dans les années 1980 et 1990.
Après une baisse générale du nombre de personnes âgées dans de nombreux territoires dans les années 2000, la gérontocroissance se concentre dorénavant le long des littoraux atlantique et méditerranéen ainsi que dans des couronnes des pôles des très grandes aires d’attraction comme Toulouse, Lyon, Rennes ou en grande couronne francilienne.
La gérontocroissance suit une double logique pôle / couronne d’une part, et est également liée à la taille des aires d’attraction des villes d’autre
part : elle est plus marquée dans les espaces périurbains (les couronnes) et ce, d’autant plus qu’il s’agit du périurbain d’une aire importante
de par sa taille. Ainsi, ce sont les couronnes des aires de plus de 700 000 habitants qui totalisent la plus forte augmentation du nombre de personnes âgées (+ 3,4 % d’augmentation en moyenne chaque année). A contrario, sur la période 1968-1982, la gérontocroissance se concentrait dans les pôles (notamment les plus petits) et, à périmètre constant, ce sont les territoires composant les couronnes actuelles des pôles qui présentaient une assez faible gérontocroissance (+ 1,1 % d’augmentation annuelle moyenne). Ce bouleversement des hiérarchies peut être mis en lien avec les différents mouvements de périurbanisation qui ont marqué les dernières décennies, et notamment avec l’avènement des modes d’habiter tournés vers l’habitat pavillonnaire à partir des années 1970. De fait, au gré de ces mouvements, de jeunes familles avec enfant(s) se sont installées en périphérie des pôles accédant à la propriété et à une maison individuelle10. Aujourd’hui, ces familles ont vieilli dans ces territoires, cette évolution se traduisant par une gérontocroissance des espaces périurbains.
Le vieillissement, quant à lui, ne suit pas les mêmes logiques spatiales. Entre 1968 et 1982, et toujours selon le zonage actuel, ce sont surtout les communes isolées (+3 points de %) et les pôles petits (+2,1 points de %) et moyens (+1,9 point de %) qui présentaient un important vieillissement11. Dans le cas des communes isolées, l’exode rural des décennies précédentes explique une partie de ce phénomène, du fait de la diminution de la population active et de celle en âge d’avoir des enfants, entraînant à la fois une baisse de la natalité, mais aussi une accentuation du vieillissement. Au contraire, durant cette période, la part de personnes âgées recule dans les couronnes des pôles des grandes aires d’attraction du fait de la périurbanisation, à la suite de l’installation massive de jeunes ménages.
Dans les années 2010, le vieillissement se généralise à l’ensemble des territoires, tout particulièrement les couronnes de pôles d’aires moyenne et grande (+ 4,3 points de % entre 2008 et 2018 pour les couronnes de pôles d’aires de 50 000 à 700 000 habitants) tout en restant très important dans les communes isolées (+ 3,8 points de %). Dans les pôles, l’importance du vieillissement est inversement proportionnelle à la taille de l’aire d’appartenance, avec des pôles de petites aires qui affichent le vieillissement le plus important (+ 4,2 points de %).
Vieillissement et gérontocroissance ne se combinent pas de la même manière selon les territoires. Dans certains départements, les phénomènes de vieillissement et de gérontocroissance sont tous deux importants, comme dans les Antilles (Guadeloupe et Martinique) ou les départements du littoral atlantique comme la Vendée, la Charente-Maritime, ou encore les Landes. Dans les Antilles, ce double phénomène s’explique en partie par une chute de la fécondité12 associée à un allongement de l’espérance de vie13, mais aussi à un solde migratoire déficitaire pendant la quasi-totalité des 50 dernières années. Sur le littoral atlantique, ce phénomène s’explique principalement par un fort attrait des populations retraitées pour ces territoires14.
À l’inverse, certains départements d’Île-de-France, dont Paris, les Hauts-de-Seine et la Seine-Saint-Denis, ou ceux abritant de grandes métropoles comme le Rhône (Lyon) ou la Haute-Garonne (Toulouse), connaissent un vieillissement et une gérontocroissance plutôt modérés. Ces départements sont attractifs pour les jeunes, concentrant à la fois de nombreux emplois et une offre de formation conséquente. Au contraire, les personnes âgées ont davantage tendance à les quitter au moment de la retraite.
Mais gérontocroissance et vieillissement peuvent également s’opposer. Ainsi de nombreux départements situés dans la diagonale centrale, comme le Cantal, la Nièvre ou encore le Cher, connaissent un vieillissement important sans pour autant voir leur nombre de personnes âgées augmenter avec la même intensité.
Ces territoires ont connu par le passé une forte émigration rurale qui a réduit les générations de baby-boomers, limitant l’augmentation du nombre de personnes âgées. À l’inverse, le faible nombre de ménages en âge d’avoir des enfants, de même que la faible attractivité auprès des jeunes, contribuent à l’augmentation de la part de personnes âgées de ces espaces.
La Guyane et La Réunion, ainsi que la Seine-et-Marne connaissent, quant à eux, une augmentation notable du nombre de personnes âgées qui ne s’accompagne pas d’une progression de même ampleur de leur poids au sein de la population totale. Le vieillissement est limité pour la Seine-et-Marne par une arrivée importante de ménages jeunes et par une forte natalité pour La Réunion et la Guyane.
Logiques spatiales des mobilités résidentielles des retraités
En comparaison du reste de la population, les personnes âgées migrent peu15 : elles sont 2,4 % à avoir changé de commune de résidence au cours de l’année précédant le recensement 2018, contre 13,3 % des 15-39 ans et 4,3 % des 40-64 ans. Néanmoins, ces migrations ont un impact, à terme, sur la répartition territoriale de la population âgée. Celles-ci profitent surtout au sud-ouest du pays ainsi qu’aux littoraux. Ainsi, le Morbihan, la Charente-Maritime ou la Vendée ont vu leur population de 65 ans ou plus augmenter en 2018, respectivement de + 1 970, + 1 830 et + 1 680 au gré de leurs échanges migratoires avec les autres départements au cours de l’année précédente16, soit des taux de migration nette interne des 65 ans ou plus respectifs de + 10,9 ‰, + 10,5 ‰ et + 10,3 ‰.
Les personnes âgées qui s’installent dans ces territoires sont plus souvent qu’ailleurs originaires d’une autre région. La majorité des territoires du Sud-Ouest et la Normandie sont par ailleurs des destinations privilégiées par les personnes âgées venant de l’étranger. Ces constats s’expliquent en partie par des phénomènes d’héliotropisme17, d’haliotropisme18 et plus largement de recherche d’aménités territoriales19, qui jouent dans le choix d’une résidence au moment de la retraite. À l’inverse, le Nord-Est a plutôt tendance à perdre des personnes âgées au gré des échanges migratoires. Dans ces territoires, les migrations infra départementales sont plus fréquentes qu’ailleurs. De nombreuses personnes âgées quittent également les grandes villes comme Lyon, Marseille ou encore Paris et l’ensemble de l’Île-de-France. Par exemple, en 2018, Paris a accueilli 4 220 personnes âgées de 65 ans ou plus, quand 8 230 sont parties s’installer ailleurs (soit un solde déficitaire de -4 010 individus et un taux de migration nette interne de -10,8 ‰).
En dehors des aménités régionales précitées, la proximité des services du quotidien, à une étape de la vie où les mobilités peuvent s’avérer de plus en plus complexes, peut également figurer parmi les facteurs d’attractivité pour cette population. De fait, on constate une attractivité particulière pour les personnes âgées des communes présentant un niveau de centralité20 intermédiaire d’équipements et de services. Celles-ci ont un solde migratoire positif de + 23 300 personnes âgées (soit un taux de migration nette interne + 7,2 ‰), contrairement aux communes non centre, dont le taux de migration nette interne s’établit à - 7,6 ‰, soit un solde migratoire déficitaire de - 13 300 personnes âgées, de même que les centres majeurs (- 2,2 ‰).
1. Sauf mention contraire, les chiffres exposés ici, et dans la suite de l’article, sont issus des données de recensement de la population de l’Insee, de 1968 à 2018.
2. Source : Insee, estimations de population et statistiques de l’état civil.
3. Meslé France. Allongement de la vie et évolution des pathologies. In : Gérontologie et société. 2004, vol. 27/108, n° 1, pp. 15-34.
4. Passage d’environ 5 à 6 enfants par femme à la fin des années 1950 en Guadeloupe comme en Martinique, à environ 2 enfants par femme dans les années 1980 (Breton Didier, Temporal Franck. Décroissance démographique et vieillissement : une exception des Antilles françaises dans l’espace Caraïbes ? In : Études caribéennes [En ligne]. Août-Décembre 2019. Disponible sur : http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/16864, consulté le 19 novembre 2021). À la fin des années 2010, l'indicateur conjoncturel de fécondité passe sous le seuil de 2 enfants par femme
(Source : Insee, estimations de population et statistiques de l’état civil).
5. Cf. article « À l’horizon 2050, l’accroissement de la population se concentrerait toujours plus le long des façades atlantique et méditerranéenne », p. 74.
6. Source : Insee, Grille communale de densité 2021 (cf. annexe p. 120).
7. Source : Insee, zonage en aires d’attraction des villes (AAV) 2020 (cf. annexe p. 121).
8. Cf. annexe « Mesurer une évolution spatiale sur le temps long : zonages constants ou évolutifs ? », p. 122.
9. Les cartes lissées reposent sur le calcul de potentiels (ici de Stewart) et permettent de représenter une information géographique en s’affranchissant de tout maillage territorial.
10. Mondou Véronique, Violier Philippe. Le vieillissement de la population périurbaine. Quelles stratégies pour pallier la disparition d’une mobilité autonome ? In : Espace populations sociétés. 2010, 2010/1, pp. 83-93.
11. Le vieillissement est mesuré ici comme la variation en points de pourcentage de la part de personnes âgées de 65 ans ou plus entre deux dates. Les données relatives à l’évolution du vieillissement dans les pôles et les couronnes entre 1968 et 2018 se rapportent ici uniquement au périmètre de la France métropolitaine.
12. Breton Didier, Temporal Franck. Décroissance démographique et vieillissement : une exception des Antilles françaises dans l’espace Caraïbes ? In : Études caribéennes [En ligne]. Août-Décembre 2019. Disponible sur : http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/16864, consulté le 19 novembre 2021.
13. Atger Stéphanie, Bareigts Ericka. Rapport d’information sur le Grand âge en Outre-Mer. Février 2020, n° 2662, 73 p.
14. Cf. p. 106-107.
15. Observatoire des territoires. Les mobilités résidentielles en France. Tendances et impacts territoriaux. In : Rapport de l’Observatoire des territoires. CGET, 2018, 121 p.
16. Les données de migrations mentionnées pour le reste de cette partie sont issues du fichier détails Migrations résidentielles : localisation à la commune de résidence et à la commune de résidence antérieure (Insee, RP 2018). Les données migratoires issues du recensement ont plusieurs limites et ne permettent pas de mesurer la totalité des migrations au cours de l’année. En se limitant à l’information relative aux migrants résidant sur le territoire l’année N et à leur statut migratoire (lieu de résidence antérieur) à l’année N-1, trois catégories de personnes ayant migré ne sont pas comptabilisées : celles qui ont quitté le territoire pour l’étranger, celles qui sont décédées au cours de la période (entre N-1 et N), celles qui ont migré plus d’une fois sur le territoire (entre N-1 et N) tout en étant finalement recensées l’année N sur le même territoire.
17. D’un point de vue démographique, l’héliotropisme renvoie à l’attractivité des populations pour les régions ensoleillées.
18. D’un point de vue démographique, l’haliotropisme renvoie à l’attractivité des populations pour les littoraux et plus largement les régions maritimes.
19. Par exemple ici culturelles ou touristiques, en sus des éléments naturels et paysagers précités.
20. Les niveaux de centres d’équipements et de services sont issus des travaux de l’étude « Centralités : comment les identifier et quels rôles dans les dynamiques locales et intercommunales ? » réalisée par l’INRAE-CESAER en partenariat avec l’ANCT. Les niveaux de centralité ont été définis au regard de la diversité des commerces et services : plus la diversité des services présents dans la commune est importante, plus le niveau de centralité est élevé. Compte tenu de leur spécificité, les Drom n’ont pas été inclus dans cette analyse (Hilal Mohamed, Moret David, Piguet Virginie. Centralités : comment les identifier et quels rôles dans les dynamiques locales et intercommunales ? 2020, CESAER (Agrosup Dijon / INRAE / Université de Bourgogne-Franche-Comté) et Agence nationale de la cohésion des territoires, 123 p.). Cette typologie a été réalisée à partir de la Base permanente des équipements (BPE) de l’Insee 2017 (cf. annexe p. 122).