Les projections démographiques ne sont pas des prévisions. Les enjeux qui peuvent se poser à l’avenir en matière de cohésion sociale et territoriale, d’économie ou encore d’environnement, peuvent venir bouleverser les tendances démographiques, au niveau national comme infranational.
Par exemple, du point de vue des mobilités résidentielles, la crise sanitaire de la Covid-19 a fait ressurgir dans le débat public la question, déjà ancienne, d’un présumé exode urbain et de rêve de vie à la campagne, notamment à la suite, pendant le confinement du printemps 2020, des départs massifs des Franciliens vers leurs résidences secondaires, mais également des étudiants vers le domicile de leurs parents.
Si ce phénomène de mobilités résidentielles venait à se confirmer sur le long terme, celui-ci pourrait en effet avoir des impacts certains – mais néanmoins différenciés selon les contextes locaux – sur les migrations des territoires urbains vers certains territoires ruraux, et redessiner en partie le portrait de la démographie française. Le monde de la recherche se penche d’ores et déjà sur ces questions, notamment en interrogeant l’opposition bien souvent présumée (voire réductrice) entre villes et campagnes1, mais aussi en cherchant à objectiver les phénomènes de mobilités liés à la pandémie et à en quantifier et qualifier l’ampleur. C’est l’un des objectifs de l’étude flash « Exode urbain », portée par le Réseau Rural Français et le Plan urbanisme construction architecture (Puca) dans le cadre du programme POPSU Territoires. Croisant démarches quantitative et qualitative, ce projet mobilise notamment les données de plateformes privées de recherche immobilière, des enquêtes, et une étude de terrain à l’échelle nationale.
La crise de la Covid-19 et les nombreuses questions qu’elle soulève pour l’action publique est un défi pour la recherche : elle invite, à rebours des habitudes des chercheurs, à proposer des méthodes d’analyse du présent, presque du temps réel, là où les études sur les mobilités résidentielles s’épanouissent plus traditionnellement dans l’analyse de données stabilisées, avec un recul de plusieurs années, et sur la base de corpus publics. Si le recours aux données issues des plateformes privées ne permet pas de saisir tous les aspects des mobilités résidentielles récentes, il permet néanmoins d’opérer une première spatialisation des territoires d’accueil et de départ en lien avec la crise, de saisir l’ampleur du phénomène et sa capacité de restructuration de la géographie française, mais aussi, couplé à un travail de terrain fouillé, de saisir les profils multiples des ménages pour qui la crise a favorisé un déménagement et leurs impacts sur les territoires. Quels sont les potentiels effets économiques des flux qui sont observés, pour les espaces traditionnels de villégiature comme pour de nouveaux ? Identifie-t-on des types ou des projets de mobilités différenciés selon les territoires (création d’activité, retour à la terre, télétravail…) ou le profil des individus ? Quels peuvent être les impacts sur les marchés immobiliers et fonciers (arrivée de nouveaux habitants, spéculations immobilières…) ?
Les résultats sont attendus pour le printemps 2022.
1. Talandier Magali. Tous au vert ? Scénario rétro-prospectif d’un exode urbain. In : The Conversation [en ligne]. Juin 2020. Disponible sur : https://theconversation.com/tous-au-vert-scenario-retro-prospectif-dun-exode-urbain-137800 (consulté le 1er décembre 2021).