Depuis 1975, le taux de chômage des femmes, systématiquement supérieur à celui des hommes, a lentement convergé vers celui-ci pour parvenir aujourd’hui à une situation de quasi-égalité dont la mesure peut varier selon la source utilisée50. En 2019, le taux de chômage des femmes de 25 à 54 ans était de 7,6 % contre 7,3 % pour les hommes51. L’écart maximum observé entre le taux de chômage des femmes et celui des hommes date de 1990, date à laquelle les femmes âgées de 25 à 54 ans étaient alors 8,8 % à être au chômage contre 5,3 % pour les hommes du même âge (soit 3,5 points d’écart). Toutefois, s’il tend à se résorber depuis les années 1990, le halo autour du chômage52 reste principalement féminin (à 56 % en 2019, contre 71 % en 1991)53.
Bien que moins touchés par le chômage, les territoires ruraux54 enregistrent un différentiel de taux de chômage plus important entre les femmes et les hommes que les territoires urbains : dans les communes peu denses et très peu denses, les femmes ont un taux de chômage de 1,8 à 1,9 point supérieur à celui des hommes, contre seulement 0,5 point dans les communes très denses. En Guadeloupe, à La Réunion, en Corse et en Martinique, le taux de chômage des femmes résidant dans une commune rurale est entre 5 et 6 points supérieur à celui des hommes.
Plus souvent au chômage que les hommes, les femmes occupent également plus fréquemment des emplois précaires55, en particulier dans les territoires ruraux, où l’écart avec les hommes est également bien plus prononcé. Dans les communes rurales les moins denses56, 21 % des femmes salariées ont un contrat précaire57 (et 16 % des hommes) contre 13 % dans les communes les plus urbaines58 (et 11 % des hommes). C’est également dans les communes rurales les moins denses qu’on observe le différentiel de précarité le plus important avec les hommes (+ 5,4 points contre +1,5 point dans les communes très denses).
Dans les espaces ruraux, la faible mixité de l’offre d’emploi59 et la forte concentration des emplois féminins dans un nombre de secteurs d’activité restreint60, pourvoyeurs d’emplois peu rémunérateurs et aux conditions précaires61 contribuent à un risque accru de pauvreté pour les femmes dans ces territoires, voire de dépendance financière accrue vis-à-vis de conjoints aux conditions d’emploi potentiellement plus favorables. En outre, les difficultés rencontrées par les jeunes femmes des espaces ruraux pour trouver un emploi stable peuvent contribuer à expliquer au moins en partie l’importance des départs de jeunes femmes vers la ville en début de vie active62 et plus généralement la persistance d’un plus faible nombre de femmes que d’hommes en âge de travailler résidant dans ces espaces63.
ZOOM
Dans les territoires ruraux, Les jeunes femmes sont plus souvent confrontées au chômage que les jeunes hommes
C’est en début et en fin de vie active que la probabilité de traverser une période de chômage est la plus élevée. Les jeunes actifs de 15 à 24 ans sont ainsi les plus touchés par le chômage avec un taux de chômage de 29 %, en particulier quand ils vivent dans les communes denses (32 %)64. À l’instar des autres tranches d’âge, les jeunes sont relativement moins touchés par le chômage quand ils résident dans des espaces ruraux65. Ce sont néanmoins dans ces espaces que les écarts de taux de chômage entre les femmes et les hommes sont les plus marqués : dans les communes très peu denses, le taux de chômage des jeunes femmes de 15 à 24 ans est de près de 5 points plus élevé que celui des jeunes hommes du même âge ; cet écart s’élève à 3,4 points dans les communes peu denses.
C’est dans les Antilles françaises et en Guyane66 que les écarts de taux de chômage entre les jeunes femmes et les jeunes hommes ruraux sont les plus importants. En métropole, les jeunes femmes vivant en milieu rural dans les régions Corse et Pays de la Loire connaissent un taux de chômage respectivement 6,8 points et 5,6 points plus élevé que celui des jeunes hommes ruraux. En Île-de-France, à l’inverse, le taux de chômage des jeunes femmes résidant dans une commune rurale est inférieur de près de 2 points à celui des jeunes hommes.
Conséquence potentielle de ce moindre accès à l’emploi des jeunes femmes rurales, mais également de la plus forte propension de celles-ci à quitter les espaces ruraux pour poursuivre des études supérieures67, le ratio femmes-hommes des jeunes augmente avec la densité. On compte ainsi 86 femmes de 15 à 24 ans pour 100 hommes du même âge dans les communes très peu denses et 89 jeunes femmes pour 100 jeunes hommes dans les communes peu denses alors que l’on compte 102 femmes pour 100 hommes dans les communes les plus denses.
50. Cf. encadré méthodologique « Les principales mesures du chômage en France ».
51. Source : Insee, enquête Emploi, séries longues sur le marché du travail, France hors Mayotte.
52. Le halo autour du chômage correspond aux personnes inactives, qui recherchent un emploi mais qui ne sont pas immédiatement disponibles pour travailler (formation, garde d’enfants, etc.), ou bien aux personnes inactives qui souhaitent travailler mais qui n’ont pas effectué de démarche active de recherche d’emploi, qu’elles soient disponibles ou non.
53. C’est ce qui explique en partie la persistance d’une mesure toujours plus élevée du taux de chômage des femmes dans le recensement de la population. Source : Insee, enquête Emploi, séries longues sur le marché du travail, France hors Mayotte.
54. Entendus ici et dans le reste de la publication comme les territoires « peu denses » et « très peu denses » de la grille communale de densité. Source : Insee, 2019.
55. Les emplois précaires correspondent aux emplois salariés qui relèvent d’un statut différent du CDI (CDD, intérim, apprentissage et contrats aidés).
56. Les communes très peu denses de la grille communale de densité. Source : Insee, 2019.
57. Hors contrats d’apprentissage et stages rémunérés en entreprise. Il s’agit de l’emploi au lieu de travail.
58. Correspondant ici aux communes très denses de la grille communale de densité. Source : Insee, 2019.
59. Cf. article « La mixité de l’offre d’emploi diminue avec la densité » dans la présente publication.
60. Dans les territoires ruraux, 31 % des emplois occupés par des femmes le sont, d’une part, dans les secteurs de l’« hébergement médico-social et social et de l’action sociale sans hébergement » (20 % des emplois occupés par des femmes dans les territoires ruraux contre 11 % dans les territoires urbains) et, d’autre part, dans celui du commerce (11 % des emplois occupés par des femmes dans les territoires ruraux et 13 % dans les territoires urbains). Source : Insee-RP 2016.
61. Comme les métiers d’aide-soignante, d’assistante maternelle ou encore d’hôtesse de caisse dans la grande distribution, particulièrement concernés par des contrats précaires (intérim ou CDD courts), des horaires contraignants, voire fractionnés (travail en matinée et en soirée) et le temps partiel subi (cf. encadré méthodologique « Temps partiel subi, temps partiel choisi » dans la présente publication). Amsellem-Mainguy Y., 2019, Les « filles du coin ». Enquête sur les jeunes femmes en milieu rural, INJEP Notes & Rapports, n°2019/07.
62. Brutel C., 2019, « Qui sont les jeunes ruraux ? Caractéristiques sociodémographiques », Fiches repères INJEP, n°45.
63. 98 femmes pour 100 hommes de 15 à 64 ans dans les territoires ruraux contre 106 femmes pour 100 hommes dans les territoires urbains. Source : Insee-RP 2016.
64. Source : Insee, RP 2016 dans tout l’encadré.
65. Communes peu denses et très peu denses de la grille communale de densité, Insee 2019.
66. Où le nombre de personnes résidant dans une commune rurale est néanmoins très faible.
67. Coquard B., 2019, Ceux qui restent. Faire sa vie dans les campagnes en déclin, La Découverte, 216 p.